Chambre

Du lit à la fenêtre

et du soleil au lit

pour parcourir ces lieux ouverts

nous avons des gestes précis

comme ceux des danseurs

Haute tension

Pour faire flèche de toute caresse

à rebrousse coeur

à chair que veux-tu

à gorge déployée

il suffit de deux corps

L’Escargot

le passé ne disparaît pas

il s’enroule

au centre de l’escargot

je suis toujours là

tâtonnant sur le rebord des choses

mes antennes borgnes ne disent rien du monde

il faut aimer aveuglément

coller son ventre à la terre

ramper de pluie en pluie

laisser derrière soi peut-être

une mince traînée brillante

Promenade

champs de blé dur d’orge et de seigle

creusés sous la main du vent tiède

il n’est de force qu’aux caresses

champs de maïs et de verveine

la pluie si douce lisse vos plis

il n’est d’amour qu’à la lumière

champs de colza en or liquide

un feu scintille sur la terre

l’ombre désire une aurore

champs de chair fraiche gorgée de sang

le soc éclatant nous déchire

il n’est d’amour qu’au creux du temps

Réveil

elle est plus légère que moi

elle laisse le temps couler dans ses vaines

je creuse la nuit cherchant une image inouïe

mais elle — elle a déjà exhumé des soleils

elle s’est endormie comme s’ouvrent les fleurs

à peine un passage vers l’autre lumière

son premier rêve contient tous les sourires

éclos dans un monde aux couleurs inconnues

elle est nue dans son sommeil

son coeur transparent parcouru

de courants tressaillants sous la peau

ouverte à tant de caresses brumeuses

elle rêve tout bas repliée

des cavalcades aux creux des reins

elle découvre des mines d’émeraudes

une cache où les jours n’ont pas de rigueur

de sa bouche à ma bouche un peu de nuit

s’écoule l’air y est translucide

les yeux fermés je bois son premier sourire

dans un envol d’oiseaux multicolores

la barrière de ses cils de plume

laisse mes regards se noyer

elle lave l’angoisse rêche de mon sommeil

dans la lumière de ses yeux donnés

c’est le jour

Douze objets de mes voeux

je te veux libre devant moi

comme je suis libre devant toi

libre d’aimer et d’être aimée

je te veux libre de souffrir et de faire souffrir

où que tu sois pour que partout tu donnes

la joie et la douleur profondes

je te veux libre de chanter de danser

de boire du vin avec de la bière

en fumant tes cigarettes bleues

je te veux ouverte non entravée non possédée

prête à tout donner et à tout recevoir

je te veux libre de tout vouloir